L’animal de pouvoir chamanique. Nicolas D'INCA. Revue Hypnose et Thérapies Brèves n°66

UN ALLIÉ POUR LA GUÉRISON



« Mes esprits Sont comme des oiseaux Et les ailes Et les corps sont des rêves », chant jivaro Les peuples animistes de la planète ont recours à une méthode de soin particulière, faisant appel aux forces qu’ils appellent esprits alliés ou animaux de pouvoir. Ces pratiques, qui semblent éloignées du soin par l’hypnose, nous sont-elles accessibles ? Et pourquoi pas complémentaires de notre usage des ressources internes dans la transe ?

L’animal médecine pour les peuples traditionnels

Nous devons la notion d’« animal de pouvoir » aux peuples autochtones, notamment d’Amérique. Néanmoins pour tous les peuples animistes, chaque être étant doué de vie, il a un esprit. Pour ces peuples, tous les êtres vivants, dont les animaux, ont une âme semblable à la nôtre, malgré les apparences. Et les guérisseurs initiés peuvent contacter et utiliser ces présences lorsqu’ils se plongent dans un état accru de conscience. Avec des résultats parfois spectaculaires. Les Senecas de la nation iroquoise ont une société globale des Animaux-Médecine qui entretient des liens étroits, physiques et spirituels, entre les êtres humains et les animaux. Puis il y a des sociétés spécifiques selon le guérisseur : celle de l’aigle, très puissante, qui s’efforce de restaurer à la vie les hommes au seuil de la mort par des rituels et des danses, arborant des costumes ornés de plumes. La société de l’ours soigne des maladies spécifiques, celle de la loutre se concentre sur la magie des femmes et travaille avec l’eau, la société du bison prépare un plat de viande et des chants qui apportent la guérison. Toutes les cultures qui sont restées proches de la nature vivent en bonne intelligence avec leur milieu, et traitent avec égards leurs « frères » animaux. Ils entretiennent mêmes avec eux des relations sociales, de bon voisinage, mais aussi d’amitié ou de parenté. Le lien spirituel qui les unit ensemble et avec leur Créateur est toujours au premier plan. Souvent l’ancêtre de la tribu ou du clan est un esprit sous forme animale. Les différentes générations sont elles-mêmes représentées par un animal. Cela est figuré par le mât totémique du nord-est de l’Amérique, par exemple, qui constitue l’arbre généalogique complet d’un clan. Cet « animal totem » représente un groupe donné, et non un animal individuel comme on le lit parfois par erreur.

Ou encore c’est d’un animal mythique que viennent les traditions et les usages sacrés, comme le raconte par exemple le mythe Koriak de Corbeau, le chamane ancestral. Chaque peuple en fonction de son habitat naturel connaît et honore les forces en présence. Et non seulement il les côtoie, mais par le monde des esprits, il peut aussi les habiter et en recevoir les dits « pouvoirs ». Dans cette vision du monde, l’être humain ne peut vivre, ne peut se soigner qu’en lien avec le reste de la création vivante, les plantes, les animaux, les éléments. Un double spirituel Comme l’écrit Annie Pazzogna, spécialiste des Indiens des plaines, l’animal qui contacte le coeur de la personne en jeûne et en prière dans la solitude est une sorte de miroir. « En adoptant l’attitude de l’animal et son langage, ses caractéristiques peuvent être acquises : instinct, intuition qui est intelligence directe, de même que la connaissance des secrets de la Terre. L’être trouvera ainsi sa véritable nature dissimulée dans les méandres de son inconscient. »

Puisque l’animal est autant intérieur qu’extérieur à l’être humain, il fait partie de sa nature, de son âme. C’est la part la plus semblable à la vérité de son coeur, qui met en avant certaines de ses qualités.
Tahca Ushte (Lame Deer), dans son autobiographie De mémoire indienne, raconte sa première rencontre avec l’esprit animal lors de sa quête de vision. « Soudain, j’entendis crier un grand oiseau, puis rapidement il me frappa le dos et me toucha de ses ailes étendues. J’entendis le cri d’un aigle, plus fort que les cris de nombreux autres oiseaux. Il semblait dire : “Nous t’avons attendu, nous savions que tu viendrais. A présent, tu es là. Ta voie commence ici (…) Tu auras toujours un esprit avec toi – un autre toi-même”. » Michael Harner corrobore cette signification de l’esprit gardien, « souvent un animal de pouvoir, un être spirituel qui non seulement protège et sert le chamane, mais devient son alter ego ou une autre identité pour lui ».

Puis il ajoute : « Par l’intermédiaire de son esprit gardien ou animal de pouvoir, le chamane se connecte au pouvoir du monde animal. » Ainsi la frontière entre les mondes est abolie et une forme d’alliance est retrouvée. Se relier à elle apporte plus d’équilibre et de vitalité, plus de force et plus d’unité à la personne, qui est ainsi réunie avec une part d’elle-même qui sinon lui ferait défaut. Ce n’est pas morcelant comme nous pourrions le craindre ; bien au contraire. La personne qui a perçu son esprit allié possède comme un autre soi sous forme animale, et peut ainsi mieux communiquer avec la nature – celle du monde, et celle qui est profondément en lui. Pratique moderne des animaux de pouvoir A la suite des travaux de l’anthropologue américain Michael Harner, les modernes ont accès à une synthèse nommée « core shamanism ». Ce chamanisme essentiel reprend le noyau des pratiques ancestrales, fond commun de l’humanité dénué de folklore. Harner a enseigné le « voyage chamanique » à des milliers d’Occidentaux. Il a mis à disposition du public des outils d’expérimentation des capacités insoupçonnées de l’esprit humain.

Dans cet état que nous reconnaissons comme étant une transe profonde, le pratiquant accompagné du son du tambour et de diverses danses ou postures, se déplace dans le monde invisible. « Le chamanisme est une entreprise expérientielle et individuelle, dans laquelle le chamane communique directement avec les esprits et voyage dans les règnes spirituels », écrit par ailleurs Claude Poncelet dans Le chamane intérieur. Puisque le chamanisme est une voie d’apprentissage directe, chaque pratiquant est invité à réaliser pour lui-même ces rencontres dans l’invisible. Harner a établi des protocoles et a structuré ledit voyage, avec des indications précises. Ensuite, au son du tambour battant, le cerveau change de fréquence et la personne gagne l’état de transe où elle peut commencer à voir, à percevoir certaines présences. Et selon l’intention qui a été posée au préalable, elle peut faire la connaissance d’un esprit allié,…


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NICOLAS D’ INCA

Psychologue clinicien, thérapeute par l’hypnose. Méditant de pleine présence pendant quinze ans, aujourd’hui orienté par la pratique de la transe, notamment chamanique. Contribue à établir une thérapie intégrative par des publications et l’animation de stages autour des méthodes traditionnelles de guérison. Se spécialise dans le soin du trauma et des états dissociatifs. Se consacre à ses activités libérales à Fontainebleau et en ligne.

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N°66 : Aout / Septembre / Octobre 2022

Dans ce n°66, nous verrons comment aider les personnes qui nous consultent à sortir des effets des histoires dissociatives dans lesquels elles sont enfermées. Le questionnement développé dans les thérapies brèves est une aide essentielle pour rendre possible l’activation des processus de réassociation.

Edito:
. Julien Betbèze : Approche stratégique et acceptation de la solitude
. Alain Vallée développe un exemple clinique nous montrant comment la conversation d’engagement ouvre de nouvelles possibilités d’agir chez un sujet présentant un diabète de type 2 et qui ne parvenait pas jusque-là, malgré les risques somatiques, à modifier sa relation à l’alimentation.

Spécialiste mondialement connu de l’approche stratégique, Giorgio Nardone explique l’importance de différencier trois manifestations différentes de la solitude. Il enseigne comment apprendre à être avec les autres, et le chemin vers l’acceptation de la solitude, acceptation nécessaire pour faire vivre une relation.

Véronique Cohier-Rahban poursuit sa réflexion sur la prise en charge des enfants soumis aux effets des violences intergénérationnelles. Elle nous montre comment Armel, enfermé dans le rôle « d’enfant problème », va se libérer de son rôle sacrificiel par le questionnement circulaire et la mise en place de relations de coopération dans la famille.

A travers le cas de Marthe, enfermée dans son monde de détresse et d’inquiétude, Arnaud Zeman décrit comment le thérapeute, en se mettant en lien avec ses ressources relationnelles, accueille ses ressentis corporels et ses affects pour construire un accordage avec un sujet prisonnier de son vécu dissociatif. Cet accordage est le premier pas vers un nouveau positionnement rendant possible le changement.

. Le dossier thématique sur le lien thérapeutique se poursuit avec Karine Ficini qui nous fait part de l’histoire de Daniel, orphelin à l’âge de 4 ans, et dont les étapes de vie sont marquées par le pouvoir du monde abandonnique. Avec l’utilisation des mouvements alternatifs et de questions centrées sur la traduction corporelle de la confiance en soi, elle tisse un nouveau lien humain qui génère une nouvelle action signifiante pour le sujet.

. Bertrand Hénot utilise le questionnement narratif et solutionniste pour aider Louis à modifier son regard sur les services sociaux et sur lui-même, afin de réinvestir son rôle de père et se mettre en chemin pour retrouver la garde de son fils.

Dans l’espace « Douleur Douceur », Gérard Ostermann nous présente trois articles sur l’apport de l’hypnose en gériatrie.

Sarah Muller, dans son article sur les conversations hypnotiques en psychogériatrie, nous raconte comment Mme D. qui présente un diagnostic de Démence fronto-temporal, intègre l’Ehpad à 92 ans, suite à une chute, et va bénéficier d’un accompagnement complet à la toilette, effectuée au lit.

Véronique Treussier-Ravaud expose le cas clinique de Mme L.F. patiente âgée qui souffre de troubles cognitifs sévères. Une séance d’hypnose pendant sa toilette, avec ancrage musical et techniques apaisantes, a pour bout de la réinstaller dans un état de bien-être.

. Blandine Rossi-Bouchet, orthophoniste, nous explique comment elle utilise l’hypnose dans sa pratique quotidienne auprès des personnes âgées.

Dans la chronique « Bonjour et après », vous trouverez les premières consultations d’Elisabeth qui noie son ennui dans l’alcool. Sophie Cohen utilise le questionnement stratégique et l’hypnose pour aider la patiente à quitter ses tentatives de solution.

Enfin, Nicolas D’Inca nous livre un article passionnant sur le chamanisme et les animaux de pouvoir pour retrouver les liens au monde vivant.

Crédit photo Jean-Michel HERIN



Rédigé le Dimanche 12 Mars 2023 modifié le Dimanche 12 Mars 2023
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Vice-Président de France EMDR-IMO ® Président du Collège d'Hypnose et Thérapies Intégratives… En savoir plus sur cet auteur



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