La Dame Araignée. Par Véronique LOVENS Sexologue à Paris

Chaque Mois, un thérapeute nous conte sa petite histoire du Moi(s).
Ce mois-ci, Véronique LOVENS, sexologue et sexothérapeute clinicienne à Paris, nous parle de Dame Araignée.



Elle l’avait remarquée dans un coin de sa fenêtre, accrochée.
Au début elle pensait que du soir au matin et inversement elle aurait élu domicile dans un ailleurs.
Et puis, elle constata que sa présence était comme établie. A la peur de la déception de se rendre compte qu’elle avait disparu, la curiosité d’appréhender sa façon de vivre prit place. Le matin en se levant, sa première pensée, son premier regard était pour sa nouvelle colocataire : l’araignée du coin supérieur droit de sa fenêtre.
Bien sûr toute appréhension n’était pas dissipée. La certitude de sa présence n’était jamais acquise. Mais cette incertitude gardait à son regard : agilité et attention. Et cette peur de découvrir son absence rendait sa présence encore plus savoureuse.
 
A y réfléchir sa colocataire n’avait aucun des critères de beauté que l’on aurait admis comme plaisant.
Sa couleur était d’un terne foncé ce qui n’éveillait pas à la gaité mais plutôt à la dissimulation voire au  retrait.
La proportion entre ses pattes et son corps lui donnait un air disgracieux. Ses longues pattes velues dans une position de recul renvoyaient une sensation d’enfermement, d’un repli sur soi choisi et défendu. Et cette posture incitait à la méfiance et non à l’échange, encore moins au jeu.

Ce faisant la petite fille adopta une position d’observatrice.
 
Sa colocataire vivait donc dans le coin supérieur droit de sa fenêtre. Elle avait tissé une toile qu’elle entretenait avec une aisance et une précision donnant à croire qu’il fallu être ingénieur architecte pour élaborer, construire et entretenir un tel habitat. Pensez, sa toile résistait même aux bourrasques de pluie. Elle était construite de telle sorte que le vent venait mourir « gentiment » contre elle et non violement. Elle savait lui donner cette souplesse qui  lui permettait de suivre dans un va et vient contrôlé le mouvement de l’air. Cela en était fascinant.
A la moindre détérioration de son œuvre Dame araignée était en alerte pour remettre en état son bien. Et même en cas de destruction totale aucun découragement mais une détermination et une agilité de tous les instants étaient de mise.
 
Une autre chose éveilla encore davantage la curiosité de la petite fille.
Dame araignée vivait tête vers le bas.
Ce qui signifiant qu’elle percevait le monde de la sorte.
Cela changeait-il quelque chose ?
Il fallu qu’elle l’expérimente.
 
Elle fut surprise de constater à quel point tête en bas les choses lui parurent si différentes. Et pourtant il s’agissait des mêmes choses !
Pendillant à son lit tête vers le sol ; sa garde robe lui semblât flotter, elle qui d’habitude lui renvoyait une image massive et imposante. Son lustre quant à lui, lui donnait une impression de droiture que d’ordinaire il ne renvoyait aucunement. Elle poursuivit son expérience de l’envers !  Sur une chaise de jardin ; comme les brins herbes semblaient menaçants et quelque part oppressants. Par contre la vue du ciel à l’envers donnait une impression de fluidité, d’espace comme elle ne l’avait jamais remarqué.
Elle se demanda alors qui de l’araignée ou d’elle percevait la réalité dans le bon sens. Le fait de voir le ciel au-dessus de sa tête était-ce plus « juste » que de le voir en dessous ?

Comment savoir si c’était l’araignée qui percevait les choses à l’endroit ou si c’était elle ?
La question ne la quitta plus, jusqu’à en devenir de tous les instants !
Elle se décida alors à poser la question à sa maîtresse de classe. Mais sa réponse ne lui apporta pas l’apaisement qu’elle escomptait.
Elle lui avait répondu que «Ce sont les hommes qui perçoivent les choses dans le bon sens ; les pieds sur terre et la tête vers le ciel »
Mais comment donc la maîtresse d’école pouvait être aussi sûre de ses dires ?
Elle n’insista pourtant pas,  de peur de se voir embarrassante et puis elle aimait trop sa maîtresse pour lui déplaire.

Mais comment sortir de cette question ?
 
Elle finit par se dire que si l’araignée avait perçu le monde tête vers le haut tout comme elle, la question n’aurait jamais eu raison de se poser car il n’y aurait eu aucune différence. Elle se dit alors que le fait d’avoir perçu son univers comme Dame araignée lui avait fait saisir les choses sous une autre réalité. Et c’était cette étrangeté qui lui faisait se poser question !
Et ceci amena enfin la réponse !
Savoir qui d’elle ou de Dame araignée était dans le bon sens n’avait pas raison d’être. Sa maîtresse avait donc dit vrai. Pour qui vit tête vers le ciel, le ciel est au dessus. Et il en va de même pour Dame araignée : de sa position sa réalité est que le ciel est en dessous.
La question était donc erronée au départ. Il ne s’agissait pas de savoir qui  de Dame araignée ou elle-même était justement orienté car bien que dans des sens totalement opposés  les deux étaient à-juste-titre bien orienté.
Elle comprit à cet instant que la perception d’une même réalité peut être si diamétralement différente en fonction du point de vue  où l’on se situe.
 
 

Illustrateur : Alexandre MOONEN

Auteur: Véronique LOVENS Sexothérapeute, Sexologue Clinicienne à Paris
www.sexologue-lovens.com/

Illustrateur: Alexandre MOONEN




Rédigé le Lundi 11 Février 2013 modifié le Lundi 11 Février 2013
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Sexologue et Sexothérapeute à paris et à Liège. Master en Sexologie à l’Université de Liège… En savoir plus sur cet auteur



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