Le DSM, bientôt détrôné ? Dr Alain Cohen sur JIM.FR

Le DSM-IV ((en) Diagnostic and Statistical Manual - Revision 4) est un manuel de classification des troubles mentaux (DSM) qui a été conçu, dans des différentes versions, par des équipes de l'Association américaine de psychiatrie (APA). La quatrième version succède à celle qui a été dirigée par le Dr Robert Spitzer, le DSM-III qui avait marqué un tournant de la psychiatrie, d'abord aux USA puis en Europe où elle s'est aussi progressivement imposée non sans d'acerbes discussions. Le parti pris de Spitzer était de tenter d'adopter une position "a-théorique", c'est à dire en dehors des grands courants de la psychiatrie (psychodynamique, behavioriste, organiciste). Pour certains le DSM-IV a réussi le pari et pour d'autres, il en est l'échec patent. Notons encore que le DSM-IV a aussi pris le parti d'adopter la neutralité quant aux étiologies des troubles qui sont de toutes façon loin de faire l'unanimité. D'abord conçue pour la recherche, l'ouvrage s'est imposé de plus en plus comme référence clinique unique.

Cette approche est vivement contestée par les psychiatres et psychologues cliniciens adeptes d'une psychopathologie raisonnée. Pour d'autres, elle réalise ce à quoi la psychiatrie durant son histoire n'avait jamais pu réussir, une unification des critères diagnostiques. Le DSM-IV est en passe d'être remplacé par une prochaine version, le DSM-V à paraitre en mai 2013.



En matière de diagnostics et de recherches, la notoriété du DSM et de la Classification Internationale des Maladies (CIM) n’est plus à démontrer. Toutefois, quelques problèmes persistent. En particulier, le recours à des catégories basées sur un consensus de signes et de symptômes ne corrobore pas encore l’apport des neurosciences cliniques et de la génétique.

Et les limites de ces catégories ne présentent pas de caractère prédictif pour la réponse au traitement. Enfin, point le plus important, ces catégories nosographiques ne parviennent pas à saisir les mécanismes fondamentaux, à l’origine d’une dysfonction. L’une des conséquences fut le retard porté au développement de nouveaux traitements ciblés sur la base des mécanismes physiopathologiques. On attend donc toujours « une identification des syndromes basée sur la physiopathologie, et susceptible d’apporter des progrès thérapeutiques. »

Cette attente n’est pas nouvelle, rappelle The American Journal of Psychiatry, car elle animait déjà les précurseurs du DSM-III, avec le débat sur l’élaboration de critères diagnostiques (Research Diagnostic Criteria). Et désormais, la difficulté consiste à proposer un cadre nosographique en forme de compromis : à la fois suffisamment rigoureux pour répondre sans ambiguïté aux observations cliniques, mais assez souple pour intégrer les découvertes des neurosciences et de la génétique. Avec l’objectif supplémentaire d’utiliser ce cadre comme un instrument pour « améliorer les perspectives thérapeutiques. » À titre d’organisme de financement majeur de la recherche en santé mentale aux États-Unis, The National Institute of Mental Health (NIMH) estime que « le moment est venu d’orienter les travaux dans cette direction » et lance un projet d’élaboration de critères (RdoC : Research Domain Criteria) pour développer la trame d’une recherche axée sur la physiopathologie, et intégrant en particulier les données des neurosciences et de la génétique. Avec l’ambition d’utiliser les apports de ce projet comme sources d’informations pour les contours d’une future nosographie intégrant davantage certaines données trop délaissées par les classifications actuelles.

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Rédigé le Mercredi 24 Novembre 2010 modifié le Jeudi 25 Novembre 2010
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