Alain Gourhant : Comment avez-vous envie de vous présenter ?
Paolo Malvarosa : Je vais laisser la question ouverte en disant que je suis d'abord le créateur de la "Danse-Rituel-Thérapie" (DRT). "Créateur" est un terme paradoxal : d'un côté, il exprime une forme de prétention, et de l'autre, c'est d’une extrême humilité, car tout ce qu'on expérimente finalement existe déjà. C’est là ! En réalité, tout ce que j'ai crée est issu de nombreux emprunts et, conjointement, c'est une structure originale qui a une identité propre. Je pourrais aussi dire que la Danse-Rituel-Thérapie me ressemble, elle est sortie de moi, c'est quelque chose que je portais et je lui ai donné naissance. Au fil du temps, ce qui était d’abord une expérience clinique inédite est devenue une méthode, j’ai conçu et conceptualisé un corpus à la fois clinique et pédagogique identifiable en tant que tel.
Pouvez-vous nous faire découvrir la Danse-Rituel-Thérapie ?
P M : Ce qui est intéressant, c'est d’expliquer comment elle est née. A un moment donné, j'ai voulu mettre mon métier de danseur au service de groupes de thérapie, et petit à petit, cela s'est structuré en cercles de danse.
La Danse- Rituel-Thérapie s’est en effet élaborée de manière circulaire et est constituée de mouvements spiralés. Cela a commencé par une rencontre avec la danse traditionnelle bretonne en 1992 que j'ai découvert à un festnoz (fête traditionnelle) dans le centre Bretagne au festival de danse Plinn à Rostronen. Cela a été une découverte fondamentale de voir ainsi une communauté vivante de tous les âges, qui dansaient ensemble et à la fois différemment – les vieux et les jeunes ne dansent pas pareil –, et en même temps ils font les mêmes pas. Je me suis aperçu aussi qu'ils étaient mus par le cercle, ils étaient portés par une communauté, et d'une certaine façon leur mouvement ne leur appartenait pas, le mouvement de l'individu appartient en fait au collectif. Tout le contraire de mon expérience de danseur contemporain, qui était une expérience très subjective et très individuelle.
C'est pour cela que j'ai l'habitude de dire que la DRT est née de la mort du danseur que j'étais et de sa renaissance. Le corps dansant seul sur une scène de manière spectaculaire, n'avait plus de sens pour moi et me faisait en fait souffrir. Ensuite, pour conforter cette expérience, j'ai cherché d'autres danses traditionnelles comme en Grèce. L’autre expérience qui nourrit la DRT, c'est l’apport particulier de l'haptonomie. C’est la science du contact affectif lors notamment des séances de préparation à l'accouchement avec la mère, le père et l'enfant à venir. J'avais déjà beaucoup travaillé sur le toucher en tant qu'énergéticien, mais l'haptonomie a été une véritable révélation pour moi, car ce n'est plus le thérapeute qui rentre en contact avec le patient, c'est le thérapeute qui invite le patient à rentrer en contact avec lui : l'haptonome invite le bébé à rentrer en contact avec lui, permet in utero de créer du contact. Il y a une manière d'être "proprioceptif" qui invite l'autre à rentrer dans la sphère affective avec soi-même. Ce que l'on peut rencontrer aussi dans la danse collective.
Je parlais aussi toute à l'heure du fait que la DRT fonctionne en plusieurs cercles et en spirale : il y a le cercle collectif, et puis il y a les cercles à l'intérieur de chacun, toutes les spirales du corps, en particulier la spirale du bassin. Il s'agit alors de l'accueillir en posant par exemple une main sur le sacrum. Être dans un cercle de danse avec la main de son voisin de ronde posée sur le sacrum est une expérience simple et fondatrice de l’être au monde issu de l’haptonomie. Dans la DRT, il y a donc une écoute à la fois physique, affective et énergétique de son propre corps et du corps de l'autre. De plus le propre du cercle est de définir un espace dehors et un espace dedans, et la DRT permet de découvrir que le cercle du dedans était la somme de toutes les énergies des individus. Autrefois, dans les danses traditionnelles, une personne allait à l'intérieur du cercle pour danser, soutenue par les autres membres du cercle. Aussi, une des premières étapes de la DRT, est de constituer un cercle de danse suffisamment solide pour accueillir quelqu'un au milieu du cercle, afin que son énergie puisse être contenue, comme une enveloppe et qu’il puisse être mu^ par son énergie psychique qui s’incarne dans le corps.
Quel est le lien entre cette danse en cercle et la thérapie, la guérison possible ?
P M : C’est justement l’incarnation qui passe par l’ancrage des pieds sur le sol en rythme, de l’énergie psychique qui fonde la thérapie du cercle de danse. L’intérieur du cercle fonctionne comme un creuset d’émergence de nouveaux mouvements : un autre temps et un autre espace s’ouvrent, celui que certains nomme transe. Cette attention particulière que je porte à l’espace de la danse et au temps rythmée est en lien direct avec mon expérience de danseur du chorégraphe japonais, Hideyuli Yano, qui avait appelé sa compagnie de danse MA-Danse-Rituel. "MA" en japonais signifie espace-temps, c'est-à-dire un espace contenu et ouvert, ce qui est très paradoxal et définit bien cette connexion entre l'esprit humain et l'espace autour de lui. Ce concept de "MA", je le ressens à l'œuvre dans mon travail de psychothérapeute : comment dans l'espace thérapeutique crée, l'esprit s'ouvre, en ouvrant des espaces qui étaient fermés en lui, afin qu'il les mette à son service dans la relation à l'autre. J'ai toujours tenu à ces trois mots danse, rituel et thérapie reliés par un tiret, même si ces trois termes provoquent parfois une appréhension. Saurai-je danser ? Le rituel fait appel a` l’imaginaire sectaire et la thérapie est une porte à franchir qui crée de l’angoisse devant l’inconnu. Le rituel fait pourtant lien, le lien entre la danse, c’est-à-dire le mouvement organique et énergétique, et la thérapie qui est pour moi l'écoute du mouvement intérieur et imaginaire, exprimé soit par une parole si c'est une thérapie verbale, soit avec le corps. Le rituel constitue un espace tiers, un espace symbolique, c'est-à-dire ici, l'espace défini par le cercle de danse. C’est dans cet espace, grâce à son aspect symbolique et incarné que la "guérison" peut advenir.
Paolo Malvarosa : Je vais laisser la question ouverte en disant que je suis d'abord le créateur de la "Danse-Rituel-Thérapie" (DRT). "Créateur" est un terme paradoxal : d'un côté, il exprime une forme de prétention, et de l'autre, c'est d’une extrême humilité, car tout ce qu'on expérimente finalement existe déjà. C’est là ! En réalité, tout ce que j'ai crée est issu de nombreux emprunts et, conjointement, c'est une structure originale qui a une identité propre. Je pourrais aussi dire que la Danse-Rituel-Thérapie me ressemble, elle est sortie de moi, c'est quelque chose que je portais et je lui ai donné naissance. Au fil du temps, ce qui était d’abord une expérience clinique inédite est devenue une méthode, j’ai conçu et conceptualisé un corpus à la fois clinique et pédagogique identifiable en tant que tel.
Pouvez-vous nous faire découvrir la Danse-Rituel-Thérapie ?
P M : Ce qui est intéressant, c'est d’expliquer comment elle est née. A un moment donné, j'ai voulu mettre mon métier de danseur au service de groupes de thérapie, et petit à petit, cela s'est structuré en cercles de danse.
La Danse- Rituel-Thérapie s’est en effet élaborée de manière circulaire et est constituée de mouvements spiralés. Cela a commencé par une rencontre avec la danse traditionnelle bretonne en 1992 que j'ai découvert à un festnoz (fête traditionnelle) dans le centre Bretagne au festival de danse Plinn à Rostronen. Cela a été une découverte fondamentale de voir ainsi une communauté vivante de tous les âges, qui dansaient ensemble et à la fois différemment – les vieux et les jeunes ne dansent pas pareil –, et en même temps ils font les mêmes pas. Je me suis aperçu aussi qu'ils étaient mus par le cercle, ils étaient portés par une communauté, et d'une certaine façon leur mouvement ne leur appartenait pas, le mouvement de l'individu appartient en fait au collectif. Tout le contraire de mon expérience de danseur contemporain, qui était une expérience très subjective et très individuelle.
C'est pour cela que j'ai l'habitude de dire que la DRT est née de la mort du danseur que j'étais et de sa renaissance. Le corps dansant seul sur une scène de manière spectaculaire, n'avait plus de sens pour moi et me faisait en fait souffrir. Ensuite, pour conforter cette expérience, j'ai cherché d'autres danses traditionnelles comme en Grèce. L’autre expérience qui nourrit la DRT, c'est l’apport particulier de l'haptonomie. C’est la science du contact affectif lors notamment des séances de préparation à l'accouchement avec la mère, le père et l'enfant à venir. J'avais déjà beaucoup travaillé sur le toucher en tant qu'énergéticien, mais l'haptonomie a été une véritable révélation pour moi, car ce n'est plus le thérapeute qui rentre en contact avec le patient, c'est le thérapeute qui invite le patient à rentrer en contact avec lui : l'haptonome invite le bébé à rentrer en contact avec lui, permet in utero de créer du contact. Il y a une manière d'être "proprioceptif" qui invite l'autre à rentrer dans la sphère affective avec soi-même. Ce que l'on peut rencontrer aussi dans la danse collective.
Je parlais aussi toute à l'heure du fait que la DRT fonctionne en plusieurs cercles et en spirale : il y a le cercle collectif, et puis il y a les cercles à l'intérieur de chacun, toutes les spirales du corps, en particulier la spirale du bassin. Il s'agit alors de l'accueillir en posant par exemple une main sur le sacrum. Être dans un cercle de danse avec la main de son voisin de ronde posée sur le sacrum est une expérience simple et fondatrice de l’être au monde issu de l’haptonomie. Dans la DRT, il y a donc une écoute à la fois physique, affective et énergétique de son propre corps et du corps de l'autre. De plus le propre du cercle est de définir un espace dehors et un espace dedans, et la DRT permet de découvrir que le cercle du dedans était la somme de toutes les énergies des individus. Autrefois, dans les danses traditionnelles, une personne allait à l'intérieur du cercle pour danser, soutenue par les autres membres du cercle. Aussi, une des premières étapes de la DRT, est de constituer un cercle de danse suffisamment solide pour accueillir quelqu'un au milieu du cercle, afin que son énergie puisse être contenue, comme une enveloppe et qu’il puisse être mu^ par son énergie psychique qui s’incarne dans le corps.
Quel est le lien entre cette danse en cercle et la thérapie, la guérison possible ?
P M : C’est justement l’incarnation qui passe par l’ancrage des pieds sur le sol en rythme, de l’énergie psychique qui fonde la thérapie du cercle de danse. L’intérieur du cercle fonctionne comme un creuset d’émergence de nouveaux mouvements : un autre temps et un autre espace s’ouvrent, celui que certains nomme transe. Cette attention particulière que je porte à l’espace de la danse et au temps rythmée est en lien direct avec mon expérience de danseur du chorégraphe japonais, Hideyuli Yano, qui avait appelé sa compagnie de danse MA-Danse-Rituel. "MA" en japonais signifie espace-temps, c'est-à-dire un espace contenu et ouvert, ce qui est très paradoxal et définit bien cette connexion entre l'esprit humain et l'espace autour de lui. Ce concept de "MA", je le ressens à l'œuvre dans mon travail de psychothérapeute : comment dans l'espace thérapeutique crée, l'esprit s'ouvre, en ouvrant des espaces qui étaient fermés en lui, afin qu'il les mette à son service dans la relation à l'autre. J'ai toujours tenu à ces trois mots danse, rituel et thérapie reliés par un tiret, même si ces trois termes provoquent parfois une appréhension. Saurai-je danser ? Le rituel fait appel a` l’imaginaire sectaire et la thérapie est une porte à franchir qui crée de l’angoisse devant l’inconnu. Le rituel fait pourtant lien, le lien entre la danse, c’est-à-dire le mouvement organique et énergétique, et la thérapie qui est pour moi l'écoute du mouvement intérieur et imaginaire, exprimé soit par une parole si c'est une thérapie verbale, soit avec le corps. Le rituel constitue un espace tiers, un espace symbolique, c'est-à-dire ici, l'espace défini par le cercle de danse. C’est dans cet espace, grâce à son aspect symbolique et incarné que la "guérison" peut advenir.