Quand le désir fait peur. Stéphanie Lacruz, Psychanalyste à Paris

Un de mes proches me confie un jour que malgré son esprit cartésien et sa rationalité, il ne peut s’expliquer la raison pour laquelle, lorsqu’il se trouve face à une situation qu’il désir vraiment, quasi viscérale, il perd tous ses moyens.



Je lui demande de me préciser concrètement ces situations et il m’indique qu’il peut s’agir d’un entretien pour une évolution professionnelle ou encore, l’écriture d’un article pour sa profession.

Je lui demande en quoi ces situations sont-elles anxiogènes ? Il réfléchit, puis finit par me dire qu’elles changeraient sa vie de manière si bénéfique, qu’il sent que les proportions d’ émotions grisantes et excitantes seraient telles, s’il réussissait, qu’il doute de pouvoir les assumer sereinement.

Je retiens alors son dire « les proportions d’émotions » et je l’ interroge de nouveau : « Il s’agit donc de proportions… qu’ est-ce qui, selon toi, est à l’origine d’une disproportion ? » Il ne répond pas. Je continue « essaie, en te laissant libre de parler avec le plus de spontanéité possible, de t’imaginer dans une situation d’entretien par exemple et dis moi ce que tu imagines… ».

« L’interlocuteur m’écoute, … il ne relève que mes maladresses, mes hésitations… il m’impressionne… même si je sais que c’est un simple interlocuteur. Il peut être déçu par ma prestation et moi je le serais encore plus… je vais être encore plus maladroit si je m’aperçois de cela… ».

Je lui réponds : Tu arrives à te voir comme tu es à ce moment là. Tu es, tu existes, mais moins que ton désir d’expliciter simplement tes attentes et tes capacités, une idée de la perfection te freine. Elle te fonde et t’englobe jusqu’à ce que tu fasses l’expérience de la réalité. La perfection n’existant pas, c’est à l’incompréhensible de cet écroulement de soi que reviendrait la sanction d’avoir cru à la perfection, de l’avoir voulu pour toi. C’est pour cela que tu te sens perdu, Il n’y a plus, à ce moment là de critères logiques. Tu es renvoyé « aux fins impénétrables du créateur » à un abîme dont rien ne saurait surgir sans passion.

A cet instant, il me demande si je peux pratiquer l’hypnose sur son cas pour qu’il se sente plus à l’aise dans ces situations.

Je décide d’appliquer une méthode Ericksonienne qui a fait ses preuves et qui me permettrait, sous hypnose, de lui transmettre des injonctions
« proportionnées » à la situation.

Je réfléchis et recueille les mots clés : Mesuré, simplement, facilement, lâché, délesté, bon dosage, quitter, oublier…

Il est important de s’approprier le vocabulaire de notre patient afin d’être d’autant plus entendu que ce dernier raisonne avec son univers personnel.

Prendre mon temps pour lui suggérer que sa main droite est légère, très légère… chercher à la faire se décoller de l’ accoudoir du fauteuil parce que ce geste devient la métaphore de la séparation que je lui suggère entre un désir disproportionné (la perfection) et son vrai désir simple. Mesurer les tensions qui peuvent être ressenties dans sa main gauche alors que sa main droite a trouvé le bon dosage. Quitter le plafond que sa main droite n’ atteindra jamais et c’est tant mieux. Lâcher simplement les pensées qui peuvent se tourner vers d’autres possibles. Oublier que sa main se soit levée à une bonne distance de l’ accoudoir, là où le désir est protégé et paisible. Il est vraiment facile d’oublier.

Notez que lorsqu’un interlocuteur nous dit parfois, « rendez-vous telle date à telle heure » on se prend à questionner immédiatement : Comment ? qu’ avez-vous dit ? A quelle date ?

Oublier c’est pouvoir demander à nouveau l’information et entrer dans un échange. Et aussi, on peut se tromper et c’est très bien de se tromper parce qu’ on peut réagir ou faire réagir l’autre et entrer encore en conversation… et encore mieux… découvrir ensemble ce qui a fait que l’on se soit trompé… trouver la satisfaction que, peut-être, nous avions raison…et découvrir, simplement découvrir que la main droite est si légère qu’elle s’est détachée du poignet…

Sorti de sa situation hypnotique, mon ami se trouve gêné d’avoir eu des difficultés à laisser sa main se décoller de l’accoudoir. Il y est parvenu avec beaucoup de résistance. De mon côté, je délaisse mes connaissances cliniques pour ne pas lui divulguer l’interprétation que je ferais de cette résistance puisqu’il ne m’ en fait pas la demande.

La séance lui a parue globalement agréable et il dit se sentir détendu. Je le retrouve quelques semaines plus tard plutôt satisfait des effets positifs qui se sont opérés. Il me confie qu’il se sent un peu triste parce qu’il lui arrive des choses positives, professionnelles et personnelles, mais qu’il a l’impression de ne pas les considérer à leur juste valeur. Je me demande de préciser sa pensée et il me répond qu’il est heureux mais pas
« enthousiaste » comme avant et qu’il en ressent un manque.

Allez savoir pourquoi spontanément ma réponse fut celle de Lavoisier ? « Rien ne se perd, tout se transforme ».

Stéphanie LACRUZ
Psychanalyste
46, Quai des Célestins
75004 Paris
01 41 50 37 97
therapies-complementaires.com







Rédigé le Vendredi 7 Février 2014 modifié le Vendredi 7 Février 2014
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Vice-Président de France EMDR-IMO ® Président du Collège d'Hypnose et Thérapies Intégratives… En savoir plus sur cet auteur



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