Quand notre corps parle à notre place Aperçu d’une clinique psychosomatique à l’épreuve de l’hypnose

Stéphanie Lacruz, hypnothérapeute, psychanalyste Paris



Le corps est le premier mode de communication qui existe pour tout être humain : pour chacun, les premières sensations ont été corporelles. Elles sont internes mais résultent d’une rencontre avec le dehors, avec un autre corps ou avec quelque chose qui « fait corps ».

Le terme psychosomatique apparaît pour la première fois au XIXème S durant lequel se déchainent les passions sur l'épilepsie et la tuberculose. Dès cette époque, des psychiatres tentent de poser les fondements de la psychosomatique comme discipline.

La "médecine psychosomatique" de l'École de Chicago, naît sous l’investigation d’Alexander (1891-1964) lequel croit en une identité évolutive entre processus psychiques et physiologiques et cherche à comprendre l'articulation organique du psychique et du somatique.

Les recherches de l’école de Chicago mettent l'accent sur le lien structurel entre maladie et organisation psychique repris plus tard, par l’école de Paris, sous le terme de « somatisation ».

A Paris, c’est surtout Pierre Marty (1918-1993) qui développe cette discipline, en postulant la participation du sujet à l'éclosion de sa maladie et par conséquent à la mise en place de ses propres processus de guérison. La médecine Psychosomatique décrit la manière dont les maladies organiques sont provoquées par les conflits psychiques en général inconscients.

La clinique psychosomatique et la psychanalyse se trouvent étroitement liées mais ne se confondent pas. Issue de la psychanalyse, la clinique psychosomatique s’appuie sur les connaissances essentielles de l’œuvre de Freud à propos des organisations mentales, de leur construction, de l’existence de l’inconscient, du poids des conflits internes …

Quel est l’apport de la pratique en hypnothérapie dans le traitement des maladies psychosomatiques ?

La relaxation suggérée par la technique de l’hypnose
, permet au sujet d’accéder à une redécouverte de son propre corps, incluant une relation significative avec le thérapeute.

Toute une dynamique relationnelle, verbale et non verbale, se remet en route. Le thérapeute prévient la sensibilité toute particulière du malade somatique en n’étant ni trop neutre, ni trop frustrant, ni trop intrusif.



Présentation de trois exemples de maladies psychosomatiques traitées par l’hypnose:

La stérilité psychogène :
De nombreux problèmes gynécologiques sont d’origine psychosomatique du fait que le système génital féminin est facilement influencé par les émotions ressenties par la femme.

Avant d’entamer le traitement par l’hypnose, il est primordial d’effectuer des examens gynécologiques afin d’éliminer toute cause organique du problème.

On sait que l’anxiété chez la femme, provoque des contractions des muscles lisses au niveau de l’utérus et des trompes de Fallope. Ce spasme musculaire peut empêcher l’ovule de rencontrer le spermatozoïde dans la trompe de Fallope. La peur d’être stérile, chez les femmes n’ayant pas d’enfant au bout d’un certain nombre d’années ou de mois, entretient et aggrave le spasme.

L’anxiété agit également sur la stérilité psychogène masculine. Plus le gynécologue recommandera d’avoir des rapports sexuels durant la période fertile, plus cela éveillera une anxiété de performance chez l’homme. La médecine moderne a pu mettre en lumière le processus physiologique à l’origine de la stérilité masculine psychogène : du fait de cette anxiété de performance, l’individu produit alors plus de noradrénaline qu’à la normal, ce qui impacte et modifie les enzymes nécessaires à l’action des spermatozoïdes.

L’hypnothérapie permet de traiter la stérilité psychogène. L’analyse des conflits reste indispensable pour traiter et neutraliser l’anxiété et les tensions. Enfin, le travail de relaxation et d’éloignement des peurs associé à une technique d’auto-hypnose répondent à la nécessité de détente et de rencontre avec le thérapeute dans les sphères du « ressentir », de la communication verbal et non verbale.


Troubles digestifs, syndrome de l’intestin irritable

Caractérisés par des ballonnements, des troubles digestifs chroniques, douleurs abdominales, trouble du transit intestinal, sans que ne soient trouvées de pathologies organiques sous-jacente.

Parmi les techniques non médicamenteuses (sachant que les médicaments les plus fréquents pour le SII, sont les antispasmodiques, laxatifs, antidépresseurs…) l’hypnothérapie dite « dirigée sur le tube digestif » est souvent cité parmi les techniques efficaces utilisées par l’hypnose. C’est ce que nous révèle, d’abord, une étude effectuée à Manchester à travers une équipe de médecins sous la direction de P. Whorwell. Sur 204 patients, 81% ont obtenus des résultats probants avec cette technique.

Leur pratique issue des techniques de conditionnement mises au point par Ivan Petrovitch Pavlov (1849-1936) médecin et physiologiste Russe prix Nobel (1904), consiste à utiliser le conditionnement sensoriel et le conditionnement par image pour faciliter le contrôle de la fonction digestive et de sa normalisation. Par exemple, sous hypnose, le patient est invité à ressentir de la chaleur dans l’abdomen et à poser sa main sur l’abdomen.

Les praticiens en hypnose Ericksonienne, peuvent s’inspirer de ces techniques de conditionnement pour accéder à la relaxation, mais préfèreront utiliser une métaphore se référant à l’organe atteint ainsi qu’un travail d’analyse ou de repérage des tensions. Cette dernière est essentielle à la rencontre du praticien et du patient. Aux méthodes plus conversationnelles, peuvent s’ajouter également des outils d’échange tels que le dessin, ou autre outils de communication et d’échange….

Hypnose et Psoriasis

Démangeaisons et formation de petites croutes blanchâtres caractéristiques du psoriasis. Souvent considéré comme une dermatose psychosomatique où « le symptôme corporel s’interprète comme un équivalent somatique de l’émotion, relativement peu structuré, fondamental et vital ».

Maladie Chronique dont l’évolution est imprévisible. Selon les psychiatres Haynal et Passini : « Les conflits intrapsychiques participent au déclenchement de la maladie .Celui-ci est souvent consécutif à une perte, une séparation, une déception à l’égard de soi-même ».
Alors quels sont-ils, ces conflits intrapsychiques ? Comment l’hypnothérapeute, dans sa pratique, peut-il accompagner les patients à les évoquer afin de faire advenir à l’état de conscience, ce qui s’exprime par le corps à l’état inconscient ?

L’hypnose permet au patient de retrouver des ressources internes, une sensation émotionnelle agréable qu’il pourra éprouver à tout moment de la séance, s’il en ressent le besoin. La séance est conversationnelle, le patient est conduit à se souvenir, ressentir des émotions du passé. La sensation émotionnelle agréable à nouveau suggérée en cas de stress trop intense. La présence du thérapeute favorise les temps de réorganisation interne. Erickson insistait sur ces temps de réassociation et de réorganisation des complexités psychologiques internes au patient. Les conflits intrapsychiques évoqués et repérés alors par le thérapeute, sont discutés et l’émotion rassurante suggérée permet de maintenir la détente.

Seules ces émotions conscientes permettent le traitement. Certains travaux révèlent que parfois, ces réassociations sont faites dès la première séance d’hypnose, et par conséquent, qu’il n’est alors plus nécessaire de renouveler l’expérience.




Rédigé le Mercredi 3 Novembre 2010 modifié le Mardi 11 Juin 2013
Lu 2968 fois




Dans la même rubrique :