Crédit Photo © Xavier Montoy
« Nous sommes une personne multiple », voici les premiers mots d’une patiente qui se présente atteinte de TDI, que nous nommerons Moira. Et avec cette présentation s’ouvre une série de questions cliniques des plus passionnantes sur les capacités adaptatives du cerveau, sur la mémoire, l’identité, la guérison des traumas. Et sur les pouvoirs de la conscience, qui utilise la dissociation à des fins protectrices et ressourçantes, malgré un vécu pathologique et une souffrance réelle. Mon intérêt pour les formes traditionnelles de guérison et mes expériences dans le domaine des états modifiés de conscience du chamanisme m’ont amené à considérer une hypothèse qui pourrait s’avérer utile. Elle remet en question notre conception moderne de la personnalité ou de l’identité, et ouvre la voie à une compréhension plus proche de la réalité psychique des patients. Nous allons explorer la possibilité d’avoir recours à cette vision plurielle de l’esprit humain pour accéder et traiter les états de conscience propres aux TDI.
Quelques mots sur le TDI
Le TDI est un trouble dissociatif complexe. Les études s’accordent sur un taux de prévalence du TDI de 1 à 3 % en population générale (1). Seule - ment 6 % seraient diagnostiqués (Kluft, 2009), en raison des nombreuses co-morbidités, d’une méconnaissance des professionnels et d’un masking volontaire ou non de la part des patients. Selon les critères diagnostics du DSM-V, il est caractérisé par la conscience de plusieurs états de soi alternants (alters), qui possèdent chacun leurs propres vécu, perception, relation et réflexion sur l’environnement et soi-même. Au moins deux de ces identités ou états de personnalité prennent de façon récurrente le contrôle du comportement de la personne. C’est pourquoi on a longtemps parlé de « personnalités multiples » avant de préférer insister sur la « dissociation de l’identité ». Cette discontinuité du vécu associée à des amnésies importantes non causées par des substances permet la définition du TDI. Nous souscrivons à l’hypothèse de Frank Putnam (1989) qui a décrit la dissociation comme « un processus normal qui est utilisé initialement à titre défensif par un individu pour gérer des expériences traumatiques, et qui évolue avec le temps vers un processus mal adapté ou pathologique ». Le point de départ n’est qu’une des variantes adaptatives possibles en réponse au trauma. Nombre d’experts font l’hypothèse que des identités alternantes proviennent de l’incapacité des enfants traumatisés à développer un sens unifié de soi. Ainsi la dissociation dans l’enfance peut servir comme une modalité de résilience développementale, en dépit des graves perturbations psychiatriques ultérieures qui caractérisent les patients souffrant de TDI (2).
Le patient TDI est une personne singulière qui se vit comme ayant des identités alternantes, séparées, qui ont une autonomie psychologique relative les unes par rapport aux autres. A divers moments, ces « sujets » peuvent prendre le contrôle exécutif du corps et du comportement de la personne et/ou influencer son vécu et comportement de l’intérieur. Prises ensemble, toutes les identités alternantes forment l’identité ou la personnalité de l’être humain avec un TDI. C’est ce qu’on appelle un « Système ». Même si selon la définition du terme « ensemble d’éléments considérés dans leurs relations à l’intérieur d’un tout fonctionnant de manière unitaire », ce sera plutôt un résultat thérapeutique qu’un point de départ, dans le cas du TDI. Les alters font partie d’un système, le switch étant le changement d’état de conscience. Le front est l’état de présence où telle identité vient au devant de la scène psychique et peut contrôler le corps. Le reste du temps, les alters existent dans le headspace ou innerworld, l’espace mental ou le monde intérieur. L’inner est un espace psychique ayant fonction de contenant, où les alters peuvent vivre et interagir.
Un ensemble d’esprits
Le TDI est un diagnostic interculturel dont la validité est comparable ou supérieure à celle d’autres diagnostics psychiatriques reconnus. Cependant, on note que des altérations de l’identité et/ou de la conscience peuvent se manifester dans d’autres cultures sous la forme d’une possession spirituelle et d’autres syndromes d’esprits multiples (3). Le TDI est un trouble dont les manifestations peuvent varier et être plus ou moins adaptées suivant les cultures. Ce point nous intéresse, notamment parce que l’étude d’autres cultures non-occidentales aborde le cas de la multiplicité selon un angle qui ne pathologise pas leur porteur. La conscience y est vue d’emblée comme un système relationnel complexe, un espace de médiation entre plusieurs présences issues de différents règnes. La capacité de se déplacer entre plusieurs états de conscience ou « mondes » internes et de fluctuer entre plusieurs identités y est vue comme normale. Tout comme le fait de communiquer avec les arbres ou les animaux. Les personnes désignées comme expertes de la transe sont même valorisées et reconnues.
Le chamanisme laisse grand-place à cette pratique dissociative qui advient de manière volontaire et utile à la communauté, dans le cadre de la cure (pouvoir) ou de la recherche d’informations (savoir). En effet, une compréhension centrale que les peuples animistes ont en commun est le fait de penser l’être humain comme un ensemble d’esprits. Non pas un « individu », mais bien un ensemble de relations qui oeuvrent dans l’invisible, pouvant entraver ou soutenir la personne dans sa vie. Le chaman peut à loisir « devenir autre » et se vivre comme une entité surnaturelle qui voyage en esprit vers d’autres domaines de la réalité, les mondes spirituels, puis qui va réintégrer son corps et sa personne ordinaire. Le changement d’état est ici sain et cloisonné par des pratiques rituelles, dans un but thérapeutique. Son travail est ensuite d’intégrer les visions qu’il a acquises chez les « esprits » à la vie de tous les jours. Il verra alors ses alter ego en état de transe comme ses alliés invisibles une fois revenu en état de conscience ordinaire. Il a appris à communiquer avec ces parts non humaines librement et en connaissance de cause. Son sens de l’identité reste intact.
Pour lire la suite de cet article de la revue...
Quelques mots sur le TDI
Le TDI est un trouble dissociatif complexe. Les études s’accordent sur un taux de prévalence du TDI de 1 à 3 % en population générale (1). Seule - ment 6 % seraient diagnostiqués (Kluft, 2009), en raison des nombreuses co-morbidités, d’une méconnaissance des professionnels et d’un masking volontaire ou non de la part des patients. Selon les critères diagnostics du DSM-V, il est caractérisé par la conscience de plusieurs états de soi alternants (alters), qui possèdent chacun leurs propres vécu, perception, relation et réflexion sur l’environnement et soi-même. Au moins deux de ces identités ou états de personnalité prennent de façon récurrente le contrôle du comportement de la personne. C’est pourquoi on a longtemps parlé de « personnalités multiples » avant de préférer insister sur la « dissociation de l’identité ». Cette discontinuité du vécu associée à des amnésies importantes non causées par des substances permet la définition du TDI. Nous souscrivons à l’hypothèse de Frank Putnam (1989) qui a décrit la dissociation comme « un processus normal qui est utilisé initialement à titre défensif par un individu pour gérer des expériences traumatiques, et qui évolue avec le temps vers un processus mal adapté ou pathologique ». Le point de départ n’est qu’une des variantes adaptatives possibles en réponse au trauma. Nombre d’experts font l’hypothèse que des identités alternantes proviennent de l’incapacité des enfants traumatisés à développer un sens unifié de soi. Ainsi la dissociation dans l’enfance peut servir comme une modalité de résilience développementale, en dépit des graves perturbations psychiatriques ultérieures qui caractérisent les patients souffrant de TDI (2).
Le patient TDI est une personne singulière qui se vit comme ayant des identités alternantes, séparées, qui ont une autonomie psychologique relative les unes par rapport aux autres. A divers moments, ces « sujets » peuvent prendre le contrôle exécutif du corps et du comportement de la personne et/ou influencer son vécu et comportement de l’intérieur. Prises ensemble, toutes les identités alternantes forment l’identité ou la personnalité de l’être humain avec un TDI. C’est ce qu’on appelle un « Système ». Même si selon la définition du terme « ensemble d’éléments considérés dans leurs relations à l’intérieur d’un tout fonctionnant de manière unitaire », ce sera plutôt un résultat thérapeutique qu’un point de départ, dans le cas du TDI. Les alters font partie d’un système, le switch étant le changement d’état de conscience. Le front est l’état de présence où telle identité vient au devant de la scène psychique et peut contrôler le corps. Le reste du temps, les alters existent dans le headspace ou innerworld, l’espace mental ou le monde intérieur. L’inner est un espace psychique ayant fonction de contenant, où les alters peuvent vivre et interagir.
Un ensemble d’esprits
Le TDI est un diagnostic interculturel dont la validité est comparable ou supérieure à celle d’autres diagnostics psychiatriques reconnus. Cependant, on note que des altérations de l’identité et/ou de la conscience peuvent se manifester dans d’autres cultures sous la forme d’une possession spirituelle et d’autres syndromes d’esprits multiples (3). Le TDI est un trouble dont les manifestations peuvent varier et être plus ou moins adaptées suivant les cultures. Ce point nous intéresse, notamment parce que l’étude d’autres cultures non-occidentales aborde le cas de la multiplicité selon un angle qui ne pathologise pas leur porteur. La conscience y est vue d’emblée comme un système relationnel complexe, un espace de médiation entre plusieurs présences issues de différents règnes. La capacité de se déplacer entre plusieurs états de conscience ou « mondes » internes et de fluctuer entre plusieurs identités y est vue comme normale. Tout comme le fait de communiquer avec les arbres ou les animaux. Les personnes désignées comme expertes de la transe sont même valorisées et reconnues.
Le chamanisme laisse grand-place à cette pratique dissociative qui advient de manière volontaire et utile à la communauté, dans le cadre de la cure (pouvoir) ou de la recherche d’informations (savoir). En effet, une compréhension centrale que les peuples animistes ont en commun est le fait de penser l’être humain comme un ensemble d’esprits. Non pas un « individu », mais bien un ensemble de relations qui oeuvrent dans l’invisible, pouvant entraver ou soutenir la personne dans sa vie. Le chaman peut à loisir « devenir autre » et se vivre comme une entité surnaturelle qui voyage en esprit vers d’autres domaines de la réalité, les mondes spirituels, puis qui va réintégrer son corps et sa personne ordinaire. Le changement d’état est ici sain et cloisonné par des pratiques rituelles, dans un but thérapeutique. Son travail est ensuite d’intégrer les visions qu’il a acquises chez les « esprits » à la vie de tous les jours. Il verra alors ses alter ego en état de transe comme ses alliés invisibles une fois revenu en état de conscience ordinaire. Il a appris à communiquer avec ces parts non humaines librement et en connaissance de cause. Son sens de l’identité reste intact.
Pour lire la suite de cet article de la revue...
NICOLAS D' INCA
Psychologue clinicien, hypnothérapeute. Méditant de pleine présence pendant vingt ans, aujourd’hui orienté sur la pratique des états modifiés de conscience, notamment la transe chamanique. Passionné des formes de guérison alternatives, étudie les cultures traditionnelles et spirituelles du monde pour aller vers une thérapie intégrative. Après douze ans en institution, se consacre à ses activités libérales à Fontainebleau, en ligne et dans divers lieux de formation.
Commander le Hors-Série de Revue Hypnose & Thérapies Brèves sur le Psychotraumatisme
Vous recherchez une formation officielle en EMDR - IMO ?
Vous êtes professionnel de la santé: médecin, psychologue, kinésithérapeute, infirmier, ostéopathe, psychothérapeute, orthophoniste, et vous recevez des patients présentant des psychotraumas...
Vous recherchez une Formation Certifiante dans un institut Officiellement validé par France EMDR IMO ®.
Alors, vous pouvez suivre les formations sur Paris, Marseille, Annecy. Voir l'agenda des Formations
Formations sur 3 jours pour les praticiens déjà formés en hypnose et thérapie brève centrée solution.
Formations sur 8 jours pour les praticiens pas ou peu formés en hypnose et thérapie brève centrée solution.
FORMATEURS et SUPERVISEURS CERTIFIES EMDR IMO.
- Laurence ADJADJ: Psychologue, Psychothérapeute, Présidente de France EMDR IMO ® et de l'Institut HYPNOTIM.
- Laurent GROSS: Psychothérapeute Certifié par ARS en 2013, Kinésithérapeute, Vice-Président de France EMDR IMO ®, Président du CHTIP Collège d’Hypnose et Thérapies Intégratives de Paris et de l'Institut IN-DOLORE
- Dr Pascal VESPROUMIS: Médecin Addictologue, Président de l'ACCH. Anime les supervisions.
- Dr Roxane COLETTE: Médecin Psychiatre, auteur du livre: Petits maux, grands traumas: de l’EMDR à l’IMO, une nouvelle voie de guérison.
- Sophie TOURNOUËR: Psychologue, Psychothérapeute, Thérapeute Familiale et de Couple. Anime les supervisions.
- Claire DAHAN: Psychologue, Psychothérapeute. Conférencière internationale.